Le rapport de l’ANM sur les thérapies complémentaires

Le 5 mars, l’Académie Nationale de Médecine a publié son rapport intitulé Les thérapies complémentaires :  acupuncture, hypnose, ostéopathie, tai-chi, leur place parmi les ressources de soins.

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Voici le chapitre dédié à l’hypnose :

Description

Historiquement technique de psychothérapie (comme elle le reste essentiellement aujourd’hui), l’hypnose est aussi largement utilisée comme thérapie complémentaire. L’hypnose est un état d’attention focalisée et « d’absorption interne » avec suspension partielle de l’éveil, assez comparable à l’absorption dans certaines pensées lors d’actions de type automatique comme la conduite automobile. Cet état  est considéré comme doté de vertus réparatrices et susceptible de faciliter secondairement, spontanément ou par suggestion, une meilleure homéostasie et un meilleur aménagement des relations de l’organisme avec son milieu. Le point d’appui de l’hypnose, comme de la relaxation, est la suggestion qui permet d’induire grâce à des exercices à la fois corporels et psychiques une sorte de déconnexion mentale et physique, aboutissant à un isolement relatif de l’organisme par rapport à son milieu. Cette clôture partielle des interactions, alors réduites  à celles qui unissent le thérapeute et le patient, est censée établir une sorte d’état physiologique cohérent, qu’on a pu comparer au sommeil (le sommeil lucide) mais qui en diffère, contrairement à une croyance répandue. En pratique, l’état hypnotique est induit par fixation du regard sur un point lumineux ou fixation auditive par écoute d’un son continu, en même temps qu’est remémoré un souvenir agréable. L’entrée dans l’expérience hypnotique, perçue par le malade conscient, peut être signalée par un signal convenu ; les suggestions deviennent alors possibles. L’hypnose s’accompagne de manifestations cliniques  et neurophysiologiques qui en garantissent l’authenticité et légitiment d’une certaine façon son utilisation thérapeutique ou les tentatives qui en sont faites. La profondeur de l’hypnose augmentant, des mouvements oculaires erratiques entrecoupés de saccades apparaissent, différents de ceux du sommeil paradoxal. Un monitoring électro-encéphalographique  peut alors montrer l’apparition de rythme alpha plus net lorsque les yeux sont fermés par rapport au rythme Béta yeux ouverts. Les recherches en imagerie, par exemple en PETscan, montrent qu’en état d’hypnose le  revécu d’une expérience autobiographique active des aires corticales sensorielles et motrices différentes de celles que produit l’évocation de la mémoire épisodique par un sujet non hypnotisé . On a décrit aussi une activation accrue du cortex pariétal (opercule) dont on sait qu’il est impliqué dans les mécanismes d’attribution à soi ou à autrui des mouvements perçus, avec une dissociation entre la perception des mouvements volontaires  et celle des mouvements involontaires lors d’une suggestion hypnotique . On sait d’autre part que les patients porteurs de lésions pariétales présentent une altération de leur perception consciente des mouvements et actions volontaires et que ces anomalies sont observables après induction hypnotique chez les sujets sans lésion pariétale, qui deviennent incapables de  faire part de leur intention de mouvement ou d’action. L’hypnose et la relaxation sont aujourd’hui des outils couramment utilisés par le psychothérapeute et par certains médecins et soignants. Leurs multiples indications en médecine en font de plus en plus un élément précieux de ce qu’on est convenu d’appeler les ThC, sachant qu’il s’agit avant tout de techniques psychothérapiques et psychocorporelles.

Évaluation

Les publications relatives aux essais cliniques dans l’hypnose sont nombreuses : La base PubMed recense depuis janvier 2007 environ 250 articles pour hypnosis clinical trials, dont plus de 60 essais contrôlés ou revues d’essais contrôlés concernant les applications de l’hypnose comme ThC. Nous identifions, sur ce sujet, un total de 16 RC. Les maladies et symptômes objets de ces essais sont très divers : algies idiopathiques de la face, colite ulcéreuse, convulsions non épileptiques, dépression, douleur (et/ou anxiété) liée aux gestes médicaux invasifs chez l’enfant et/ou l’adulte, douleur liée aux traitements dentaires, douleur temporo-mandibulaire, douleurs post traumatiques, douleur de la sclérose en plaques, douleur de la chirurgie mammaire, douleur de l’accouchement, douleur de l’avortement chirurgical, douleur thoracique non coronarienne, douleur des cancéreux, énurésie de l’enfant, eczéma de l’enfant,  fatigue lors de la radiothérapie pour cancer du sein, fibromyalgie, insomnie du syndrome post traumatique, nausées et vomissements de la chimiothérapie, rééducation pour fracture de la cheville, schizophrénie, sevrage tabagique, syndrome du colon irritable, vaginisme, vertiges. On remarquera que, sous la diversité des étiquettes diagnostiques, le but du traitement est  toujours la maîtrise de symptômes fonctionnels : douleur, nausées, vomissements, fatigue, insomnie, dépression, anxiété, ou de troubles d’organicité incertaine. Tous les articles de la période considérée relatifs à un essai original dans ces indications, à l’exception de deux (un pour fibromyalgie, un pour dépression) montrent la supériorité (ou au moins l’égalité) de l’hypnose par rapport au  traitement de référence ou l’absence de traitement. Mais aucun essai n’emporte à lui seul la conviction. Notons cependant qu’un travail publié par l’American Journal of Gastroenteology  fait état d’un effet favorable de l’hypnose sur les anomalies biologiques et histologiques de la colite ulcéreuse en phase active (effet absent chez les patients contrôle). Toutes les revues, d’autre part, se heurtent à la faiblesse des effectifs, à la qualité médiocre de la méthodologie, et à l’inhomogénéité des essais qui ne permet généralement pas de faire une méta-analyse. Les RC concluent soit à l’absence d’indication d’une quelconque efficacité (convulsions non épileptiques, rééducation fracture de la cheville, sevrage tabagique), soit à l’absence de preuve (soins dentaires chez l’enfant) justifiant cependant de nouveaux essais rigoureux (énurésie, schizophrénie, colon irritable), soit à une preuve « préliminaire » ou un bénéfice modeste à modéré (douleur liée aux ponctions chez l’enfant et l’adolescent, douleurs thoraciques non coronariennes, douleur de l’accouchement) avec, dans tous les cas, l’appel à réaliser de nouveaux travaux. Parmi les autres  revues, une concerne la fibromyalgie et montre des effets faibles et inférieurs à ceux des thérapies cognitivo-comportementales ; deux relatives aux effets secondaires des chimiothérapies concluent pour l’une à un bénéfice limité et l’autre à une action largement positive ; une revue confirme l’intérêt pour prévenir la douleur liée aux gestes médicaux invasifs, intérêt également mis en évidence par un RCT ultérieur. Dans l’ensemble, les indications les plus intéressantes semblent être la douleur liée aux gestes invasifs chez l’enfant et l’adolescent et les effets secondaires des chimiothérapies  anticancéreuses, mais il est possible que de nouveaux essais viennent démontrer l’utilité de l’hypnose dans d’autres indications.

RÉGLEMENTATION, FORMATION ET CONDITIONS D’EXERCICE

L’exercice de l’hypnose n’est pas réglementé par le code de la santé publique qui ne la mentionne qu’une fois (article annexe 11-2) : « [les troubles de conversion et somatoformes] pourraient être induits ou levés par l’hypnose ».

Formation non universitaire

L’Institut Français d’Hypnose (IFH) est une école privée, sise à Paris, dédiée à la formation à l’hypnose   »des professionnels de santé ayant déjà un diplôme professionnel d’État ». Deux programmes de formation sont offerts : Hypnothérapie : hypnose en psychothérapie et Hypnoanalgésie : hypnose médicale pour le traitement de la douleur, du stress et des troubles psychopathiques. L’enseignement se fait en 24 journées réparties sur 2 ans. Les formateurs, au nombre d’une quarantaine, sont principalement psychologues cliniciens, mais aussi psychiatres, médecins généralistes ou spécialistes, infirmiers, chirurgiens dentistes. Plusieurs sont engagés dans des équipes hospitalo-universitaires. Il existe également un Institut français d’hypnose ericksonienne (IFHE) qui offre des formations d’une durée similaire à un public plus vaste, mais dont 40% des usagers sont professionnels de santé ou psychologues.

Formation universitaire

Moins organisé à l’échelle nationale que celui de l’acupuncture et de l’ostéopathie,  l’enseignement de l’hypnose fait l’objet de DU indépendants. Le DU « hypnose et thérapies brèves stratégiques et solutionnistes » de Limoges est enseigné en 2 ans, les DU d’hypnose médicale (ou clinique) de Paris Bicêtre, Marseille, Montpellier, Paris Salpétrière en 1 an. Ils sont  ouverts aux docteurs en médecine et en chirurgie dentaire, aux étudiants dans ces disciplines, aux psychologues, aux orthophonistes et kinésithérapeutes. Le DU Hypnose en anesthésie de Paris Bicêtre (1 an) concerne les médecins anesthésistes, sages-femmes, infirmiers de salle de réveil. Les responsables de la formation sont PUPH de psychiatrie, de neurochirurgie, ou d’anesthésiologie. Les pathologies visées sont la douleur aiguë et chronique, les pathologies psychosomatiques, les troubles anxieux, phobiques et dépressifs. Des enseignements sont aussi signalés à Bordeaux, Lyon, Strasbourg et Toulouse.

Modalités d’exercice et effectifs

Il est difficile d’estimer le nombre de pratiquants de l’hypnose thérapeutique en France. La Confédération francophone d’hypnose et thérapies brèves (CFHTB), qui réunit 29 associations (dont 25 sont françaises), dit représenter 3 000 professionnels de France, Belgique, Suisse et Québec, ce qui peut être vu comme un maximum (ces professionnels n’exercent pas tous en France) ou comme un minimum (les pratiquants ne sont peut-être pas tous inscrits dans ces associations). L’annuaire de l’IFH, qui ne recense que les anciens élèves de l’établissement, ne mentionne que 508 professionnels en France métropolitaine, mais permet de connaître leur répartition entre les différents métiers : psychologues cliniciens (35%), médecins généralistes ou spécialistes sauf psychiatres (28%), infirmier(e)s  (17%), psychiatres (10%), chirurgiens dentistes (6%), kinésithérapeutes (3%), sages-femmes (1%). Les psychiatres et les psychologues cliniciens pratiquent l’hypnose en psychothérapie seule (certains psychologues pratiquent également l’hypnose médicale). Les autres professionnels ne pratiquent que l’hypnose médicale. La modalité d’exercice la plus répandue est en cabinet libéral, mais un nombre non négligeable de professionnels exercent dans des établissements ou centres de soins, et notamment dans les hôpitaux. C’est notamment le cas dans les départements sièges de CHU, mais dans des proportions très variables (de 0 à 58%) ; en Ile de France cette proportion est de 24%. Quant à l’annuaire de l’IFHE, limité également aux anciens élèves de l’Institut, il compte plus de 300 noms ; hormis quelques psychologues, deux kinésithérapeutes, une infirmière et un pharmacien, la plupart n’indiquent pas d’appartenance à une profession de santé, et aucun n’exerce dans un établissement de soins.